COMMUNAUTE DE BERDINE

Berdine, le 17 décembre 2004

Chers amis

La maison Berdine est pleine à craquer. Aujourd'hui 17 décembre, il y a 86 bouches à nourrir sans compter les visiteurs impromptus ou inattendus, les enfants et les familles des résidents qui viennent en week-end et pour les vacances. Chaque jour nous répondons à ceux qui ont le malheur de téléphoner que nous ne pouvons les accueillir, nous n'avons plus de place. La moyenne d'occupation de l'année varie de 80 à 85 personnes hébergées. Mais je me dois de laisser de côté travaux et soucis de tous ordres pour demeurer fidèle à notre rendez-vous annuel porteur des vœux de chacun et de quelques nouvelles.

Oui bien sûr, nous avons été très nombreux tout au long de l'année, mais ce n'est pas pour autant que nous avons accompli des travaux exceptionnels. Après les décennies 80-90 très fructueuses, l'activité de construction de ces dernières années est en dents de scie, une année bonne et l'autre non. Comme il semble que je ne puisse vraiment être satisfaite que lorsque nous construisons, 2004 me parait bien plate, même si elle m'a littéralement épuisée. Il faut dire qu'après tous les travaux en vue du trentième anniversaire en 2003, il était difficile de persévérer sur cette lancée. Toutefois, le secteur de la menuiserie à l'entrée de Berdine a été totalement aménagé avec un nouvel hangar pour le rangement du bois et il est bien agréable de ne plus être agressé par le désordre qui régnait de façon permanente dans ce quartier. Par ailleurs, les murets de pierres sèches qui longent la route d'accès à Berdine ont été relevés, après les travaux de débroussaillage de l'hiver dernier, ce qui améliore considérablement l'impact visuel. Le bâtiment de la salle de sport est resté en l'état. Il se terminera parallèlement à la mise en œuvre de la chaufferie et du silo à bois qui s'appuieront sur le mur nord. Il faut dire aussi que l'équipe habituelle de maçonnerie a participé pendant quelques mois à la construction de la maison d'un couple d'anciens berdinois qui s'est installé sur la commune de St Martin de Castillon.

Par contre, les ateliers Menuiserie-Ebénisterie et Tapisserie ont été bien florissants, ils se sont magnifiquement accordés l'un à l'autre dans la restauration de meubles anciens, (canapés, fauteuils, chaises, armoires) et la fabrication de portes, fenêtres, tables etc… Ils forment un pôle d'attraction plein d'intérêt aussi bien pour les résidents que pour les visiteurs qui deviennent très vite des clients potentiels. Ils sont aussi un lieu de formation.

Munie du label A.B. (agriculture biologique) en 2004, l'activité agricole se poursuit à son rythme, celui des saisons et du temps. Trop peu de pluie, mais nous avons réussi tout de même à engranger assez de fourrage pour les troupeaux. La production de la fromagerie s'est encore améliorée, les ventes continuent de grimper, la compétence du fromager n'est pas seule en cause, il convient de rendre justice au chevrier qui prend son travail à cœur et ne cesse de se perfectionner pour le plus grand bien de ces dames qui sortent en pâturage tous les jours. J'ai constaté aussi combien les visiteurs et bien entendu les enfants aiment aller à la chèvrerie surtout au moment de la traite. Quant au troupeau de moutons, il a un peu plus de mal à se faire aimer de ses bergers, il en supporte bien 4 ou 5 différents par an en moyenne, mais il n'est pas ingrat, il assure le couscous hebdomadaire du samedi et des gigots des jours de fête. C'est tout de même un souci. Enfin, à ce jour, il semble qu'un berdinois « courageux » soit bien disposé envers ces pauvres bêtes. Puisque nous y sommes, parlons des 10 cochons qui chaque année prospèrent sans problème vers le poids moyen de 180 à 200 kilos pour aboutir en novembre et en janvier dans les trois congélateurs prévus à cet effet et ce depuis 15 ans grâce aux soins d'un berdinois qui les aime beaucoup.

Abandonnons ces tableaux macabres et faisons plaisir aux végétariens. L'activité maraîchage qui s'étend sur 1ha20, s'est considérablement améliorée cette année. Il faut dire que nous avons employé les grands moyens : tous les quinze jours, trois membres du Conseil d'Administration compétents en la matière se sont réunis avec l'équipe jardinage et en particulier le responsable salarié, afin de suivre et contrôler la mise en œuvre des projets de culture élaborés au cours de ces réunions. Le résultat fut probant et ce malgré le peu de satisfaction que donne le forage, en gérant au mieux le système d'arrosage par goutte à goutte. Nous n'avons pratiquement jamais manqué de légumes et nous avons pu en commercialiser une partie, toutefois, les investissements engagés depuis 4 ans et les charges d'exploitation sont bien loin d'être couverts par cette production.

Un mot de la boulangerie, en grande perte de vitesse du fait de la mauvaise qualité de notre blé 2003 (et pour cause). Nous en sommes venus à devoir acheter du blé bio et à donner le nôtre aux poules ; d'autre part nous avons acquis un second pétrin mieux adapté que l'ancien, à la suite de quoi les ventes ont repris et nos repas furent grandement améliorés.

Et enfin, l'activité forestière, celle qui constitue les ¾ de l'ensemble de nos recettes d'exploitation. En aval les ventes caracolent, mais en amont les difficultés se font rudement sentir. Nous sous-traitons l'abattage ; reste le débardage, travail bien lourd et fatigant que les résidents d'aujourd'hui ne veulent ni ne peuvent assumer. Aussi, nous sommes contraints de faire l'acquisition d'un tracteur forestier et d'une remorque équipée d'une pince, ce qui limitera le travail manuel de débardage et permettra de réaliser en une journée et sans fatigue extrême le travail de toute une semaine ; le stère de bois est cerclé et chargé par la pince directement dans le camion. La négociation doit se réaliser avant la fin de l'année, le coût s'élève à 40 000 euros H.T. Cette dépense imprévue causée par une panne de l'engin de débardage précédent trop détérioré pour mériter une réparation, vient de porter un rude coup à nos finances, même si le paiement s'étalera sur 6 mois. Mais nous ne pouvons faire l'impasse sur cette activité qui mobilise une trentaine de résidents et valorise leurs capacités à tous les stades de la chaîne d'exploitation. Sans oublier le chauffage de tout le hameau, le four de la boulangerie, la cuisinière, l'eau chaude etc…

Et c'est ainsi que nous parvenons à notre grand projet 2005. Toutes les chaudières, ces poêles qui assurent si consciencieusement le confort de chaque résident en hiver, présentent tout de même de réels dangers si l'on n'a pas une vigilance de tous les jours. Aussi avons-nous décidé de les remplacer par une unique chaufferie constituée d'une chaudière à plaquettes de bois à remplissage automatique d'un rendement de 80% et d'une chaudière fuel en complément résiduel. D'autre part, l'eau chaude sanitaire sera procurée par des capteurs solaires qui seront relayés en cas de besoin par la chaudière bois. Ce projet de 320 000 euros H.T. qui doit s'étaler sur 2 ans, est financé à 80% par ADEME, Conseil Régional et FEDER (Europe). 20% soit 64 000 euros restent donc à la charge de Berdine. Dépense excessive ? Au-delà de la dangerosité des multiples moyens de chauffage, la motivation profonde de cette décision est écologique et concerne directement l'état de la couche d'ozone que nos chauffages au rendement de 20 à 30% participent activement à détériorer.

Berdine ne peut ni ne veut rester à la traîne du véritable progrès que constitue la mise en œuvre des énergies renouvelables.

Il ne faudrait tout de même pas oublier les personnes !

2004 a bien mal commencé avec le départ vers l'autre rive du Père Jean de la Croix, ancien Père Abbé d'Aiguebelle, moine de Thibirine, et de Paul. Tous deux merveilleux amis qui étaient pour nous de fervents soutiens tant du point de vue matériel qu'affectif et spirituel. Au moment du grand passage nous avons accompagné René, Gabriel et Dominique qui nous restaient très proches malgré leur départ de Berdine depuis de nombreuses années. Il y a eu aussi Serge le forgeron, Maurice le pâtissier, Roger, Michel, Maurice,Vladimir. Je n'oublie pas non plus Francine la tante de « Petit J.P. » qui nous manque toujours. Le Berdine du ciel s'agrandit et cela représente beaucoup de peine et de larmes mais il faut bien continuer et avec le sourire.

Ce sourire que nous offrent sans compter les 8 enfants qui vivent en permanence à Berdine, les grands et les plus petits, Gibril et Maryam nés durant l'été et qui se portent à merveille et tous ceux qui viennent en week-end, en vacances et pour les fêtes. L'école de St Martin de Castillon accueille les plus grands, le bus du ramassage scolaire vient les chercher sur place.

Mais il y a aussi l'école pour les adultes. Environ 15 à 20 personnes sur l'année participent aux cours « formation linguistique de base » délivrés trois après-midi par semaine par le Centre Social « Maison Bonhomme » d'Apt. Y participent les personnes de nationalité étrangère, les personnes en situation d'illettrisme, les personnes analphabètes. Ces ateliers ont une importance capitale en vue de la resocialisation des personnes. Huit d'entre eux ont obtenu un Certificat de Formation Générale délivré après un examen en fin de cycle scolaire.

Le type de population accueillie reste le même avec une majorité de personnes malades alcooliques, cependant le nombre de personnes toxicomanes, plus jeunes, est en augmentation cette année. La demande des personnes de nationalité étrangère est stable par rapport aux années précédentes. Les séjours sont plus longs et dans l'ensemble bien réparateurs.

Je ne peux conclure sans faire mention de la qualité de l'amitié, de la confiance et du soutien dont nous bénéficions dans tout le secteur d'Apt, Venelles et les environs, manifestés par des visites, des repas pris ensemble, la participation aux fêtes, les commandes de différents travaux, de bois de chauffage, etc. Et cela représente une motivation supplémentaire dans la dynamique de la reconstruction de soi-même, de la restauration de sa propre image, d'une vraie renaissance.

Et c'est ainsi que je peux dire avec les paroles d'un chant que nous aimons beaucoup :

C'est Noël chaque fois qu'on force la misère à reculer plus loin

C'est Noël lorsqu'au fond de nos vies la souffrance qui ronge trouve un peu de douceur

C'est Noël chaque fois qu'on dépose les armes, chaque fois qu'on s'entend.

C'est Noël quand enfin se lève l'espérance d'un amour plus réel.

Serait-ce Noël chaque jour à Berdine ? Un petit Noël oui, je maintiens malgré tout, malgré les échecs, les coups durs, toute la somme de souffrances accumulées ici. Une petite lumière qui s'éteint parfois très vite au moindre coup de vent, mais qui peut rejaillir car au détour d'une rue je vais rencontrer le sourire, le mot anodin et pourtant réconfortant là où je ne les attendais pas.

Noël, la VIE qui palpite sous la neige, la graine qui ne demande qu'à germer et à porter du fruit. Toutes les personnes accueillies à Berdine n'aspirent qu'à cela et nous comptons sur vous tous, pour qu'avec votre aide, elles puissent être exaucées.

Et vous pouvez compter sur nous. Chaque matin dans notre chapelle, vous êtes présents dans notre pensée, notre prière, notre cœur et nous souhaitons qu'en chaque jour de cette année 2005 demeure un peu de la chaleur, de la Paix et de l'Espérance de Noël.

Josiane Saintpierre

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