Recueil de poèmes de Jean CAILLOU
« Dans le chemin de liberté »


Connaissez-vous BERDINE ?

Peut-être pas… mais vous savez certainement
qu'il existe en France un grand nombre de personnes
qui sont sous la dépendance de la drogue ou de l'alcool.

Et bien ! BERDINE, c'est une communauté
dont la fondation remonte à quelques années et qui a pour but
de rendre l'espérance à ceux qui n'attendaient plus rien de la vie,
et de leur redonner leur dignité d'homme.

Ces poèmes, écrits par "un gars de BERDINE",
témoignent de l'équilibre et de la paix intérieure retrouvés.

QUELQU'UN

Dans cette solitude
Dont je prends l'habitude
J'attends, j'attends en vain
Quelqu'un

Je suis seul dans la vie,
Je cherche un ami,
Un homme ou un gamin
Quelqu'un.

C'est bien triste le soir
Meublé de désespoir.
Tendez-moi donc la main,
Quelqu'un.

Le cœur est écrasé,
L'espoir est dépassé.
Je n'attends plus demain
Quelqu'un.

Noël est arrivé,
Tout seul je suis resté.
Offrez-moi mon sapin
Quelqu'un.

Pour vous la vie est rose,
Pour moi elle est morose.
Trouverais-je en chemin
Quelqu'un ?

Chez moi c'est le silence,
Silence de l'absence.
Que vienne un chat, un chien
Quelqu'un.

Qu'on me donne la chance
De cette délivrance,
Pour que j'embrasse enfin
Quelqu'un.

Dans cette solitude
Dont je prends l'habitude
J'attends, j'attends en vain
Quelqu'un


REQUIEM


Qui sait…. Peut-être au jour de la mort
Viendront-ils faire un beau décor
Le cœur peiné et l'âme en deuil
En s'approchant de mon cercueil.

Peut-être auront-ils souvenance
De mots durs et pleins d'indulgence
Qu'à eux tous j'avais prodigués
Dans l'élan pur de l'amitié.

Approchez-vous de ma dépouille
Oubliez que j'ai dit : fripouilles
C'est encore toujours votre ami
Que vous saluez aujourd'hui

Demain, il n'en restera rien
J'aurai vu le bout du chemin
Terminé, j'ai franchi la Porte
Saluez ma feuille morte.

Car J.P. vient de disparaître
Mais quelquefois il va renaître
Je l'espère, c'est là mon désir
Au grès de vos bons souvenirs.

La mort n'est pas la solitude
On retrouve la multitude
De ceux qui nous ont précédé
Dans le chemin de liberté.

Mais un tout petit quelque chose
Semblable à pétale de rose
Restera accroché à vous
Venu de je ne sais où.

Renversant ma pierre tombale
Rebondissant telle une balle
Reviendra vers vous, c'est juré
L'éternité de l'Amitié.

C'est promis, si Dieu le permet
Je reste avec vous à jamais.

LA DIFFÉRENCE


Mes cheveux se teintent de gris
Fil à fil au long de ma vie
Les tiens ont la fraîcheur de l'enfance
Et la voilà la différence.

Mes yeux de souvenir se cernent
Le regard est devenu terne
Tes yeux ont couleur d'espérance
Et la voilà la différence

Ton cœur est rempli de chansons
Dis, d'une seule, fais moi le don
Car dans mon cœur c'est le silence
Et la voilà la différence

Je suis un peu désabusé
Par les hommes, par l'humanité,
Ta jeunesse leur fait confiance
Et la voilà la différence

Mes pensées deviennent moroses
Il est bien loin le temps des roses
Mais toi tu souris, quelle chance !
Et la voilà la différence.

Mon esprit ne peut plus cerner
Qu'une province ou un comté
Le tien enlace toute la France
Et la voilà la différence.

Un homme est tombé aujourd'hui
Je ne m'occupe pas de lui
Toi tu pleures sa déchéance
Et la voilà la différence

L'hirondelle s'en est allée
Peu m'importe où, je dois l'avouer
Mais en toi la peine est immense
Et la voilà la différence

On se promène dans les rues
De tout tu n'as jamais trop vu
Moi je suis dans l'indifférence
Et la voilà la différence

Tu me quittes, je vois en tes yeux
Un petit regard malheureux
Dans les miens une larme danse
Il n'y a plus de différence.

LE VOLEUR D'AFFECTION


Laissez vos portefeuilles ouverts
L'argenterie sur la table à dessert
Votre crainte reste sans raison
Je ne suis qu'un voleur d'affection.

Peu m'importe la richesse et louis d'or
Les diamants et autres trésors
Mais pour les cœurs, là, attention !
Je suis un voleur d'affection.

Je la recherche un peu partout
De son nez elle montre le bout
Trop tard, oui, je n'ai fait qu'un bon
Je suis un voleur d'affection.

Une femme m'offre son sourire
Je m'en empare sans mot dire
Je le garde en moi sans façon
Je suis un voleur d'affection.

L'affection elle est bien chez vous
Attention barricadez-vous
Avertissez haussant le ton
Je suis un voleur d'affection.

Blindez vos portes et vos fenêtres
Appelez le garde-champêtre
J'aurai raison de vos maisons
Je suis un voleur d'affection

Par des sourires je suis puni
Le copain se change en ami
Je suis trop bon…mais oui, mais non
Je suis un voleur d'affection

Écartez –vous les faux amis
Venez vers moi cœurs sans abri
Mais confiance n'est pas de bon ton
Je suis un voleur d'affection

Le soir je compte ma fortune
J'ai perdu encore quelques thunes
Mais mon cœur est riche à foison
Mon cœur de voleur d'affection.

Toi l'enfant qui passait par là
Soudain tu m'as tendu les bras
Je n'ai plus rien…mais c'est si bon
Tu as volé mon affection.

DE PROFONDIS


Le jour où je disparaîtrai
Ce jour est-il loin, est-il près ?
J'espère avoir quelques amis
Voulant fleurir mon dernier lit.

Ils vont se dire : la mort l'ordonne
Il faut offrir quelques couronnes
Ou des gerbes très bien dressées
À celui qu'on doit regretter.

Des amis loin, des amis proches
Racleront le fond de leur poche
Afin d'offrir de nobles fleurs
Symbolisant ainsi leurs pleurs.

Ces fleurs aussi disparaîtraient
Laissez-les donc vivre en paix.
Elles n'y sont pour rien si je meurs
Je ne veux pas qu'on tue les fleurs.

Bien sûr c'est triste un cercueil nu
Avec dessus la Croix, sans plus
Mais si le sapin s'est donné
Laissez les roses vivre en beauté.

Offrez plutôt quelques amies
Celles qui aujourd'hui me sourient
Mais qui au jour de mon trépas
Voudront bien mourir avec moi.

Quatre petites marguerites
Que vous entourerez bien vite
De deux simples petits bouts d'herbe
Et pour moi ce sera superbe.

Offrez-moi, ce n'est pas méchant
De ces timides fleurs des champs
Poussant sur le bord d'un talus
Elles veilleront sur mon salut.

Et que chacun à sa façon
Fasse ainsi sa bénédiction
En déposant sur mon cercueil
Une violette ou une feuille.

En murmurant De Profondis
Offrez-moi un myosotis
Aidez-moi en mon dernier pas
Offrez ce "ne m'oubliez-pas".

LES ROSES DE L'ATTENTE

Pour toi j'avais cueilli des roses
Petit bouquet modeste chose
Placé au chevet de ton lit
Dans ta chambre à toi mon amie.


Ce petit bouquet t'attendait
Chaque matin je le soignais
Ces roses pour moi c'était toi
Qui allais venir sous mon toit.


Oh oui ! j'attendais ta présence
Après cette si longue absence
Et tous les jours je me disais
Elle viendra, oui je le sais.


Mais non tu n'es pas venue
Toi l'espérée tant attendue
Tu n'as pas frappé à ma porte
Ce matin les roses étaient mortes


Et lorsque j'ai jeté ces fleurs
Une épine est entrée dans mon cœur.



TOI L'ENFANT QUE JE N'AI PAS EU


A l'âge ou l'on s'arrête pour prendre un second souffle,
Où l'on jette un coup d'œil au chemin parcouru
Dans le maigre bilan un regret m'emmitoufle
Qui me suivra toujours jusqu'à mon dernier but
Toi, l'enfant que je n'ai pas eu…

Vois-tu parfois pour moi l'existence est amère
Par la faute de celle à qui je n'ai pas plu
De cette femme hélas qui ne fut pas ta mère
Je ne lui en veux pas si je l'ai tant voulue.

Sous mes dehors futiles se cache un cœur de père
Mais aucun petit corps ne marche auprès de moi
Pas de petite main que dans ma main je serre
Pas de petite voix pour m'appeler Papa.

Mais tu vis dans mon cœur si ce n'est dans ce monde
Je t'invente un prénom et tu es là présent
Partout tu m'accompagnes, tu me suis en ta ronde
Je vois dans la rosée ton regard confiant.

Tu vis en chaque enfant que je croise à toute heure
Tous leurs éclats de rire sont l'écho de ta joie
J'essuie sur leur visage les larmes que tu pleures
Et c'est toi que j'embrasse quand ils sont dans mes bras.

Vois-tu si ta présence n'a rien de corporelle
Elle est pourtant bien vraie et tu es bien vivant
Car elle vit en moi, pour moi elle est réelle
Je t'aime cent fois plus de t'aimer en rêvant.

Lorsque le jour viendra où Dieu me fera signe
Tu seras du voyage, tu seras avec moi
Tu m'accompagneras car tu en es bien digne
Vers le pays d'Amour. Ta vraie place est là-bas.

Je ne peux te laisser au monde véritable
Tout seul sur cette terre qui ne t'a pas voulu
Nous partirons tous deux vers le Seuil charitable
Et je t'emporterai avec moi dans les nues

Toi, l'enfant que je n'ai pas eu…


MÉDITATION DE NOËL


Moi qui pour les enfants ai tant de passion
De tendresse en éveil, de secrète affection
Je me prends à rêver au cœur de cette nuit :
O si j'avais connu Jésus petit !

Petit comme chacun de ceux que je rencontre
Tout sourire ou chagrin – pas comme on nous le montre
Avec trop de splendeur, trop sérieux, trop bien mis
O si j'avais connu Jésus petit !

Parfois en oubliant sa nature divine
C'est avec le bonheur, la joie que l'on devine
Qu'il m'aurait été doux de jouer avec lui
O si j'avais connu Jésus petit !

Au milieu de nos jeux j'aurais à peine osé
Le prendre dans mes bras afin de le bercer
Je pense que Marie l'aurait alors permis…
O si j'avais connu Jésus petit !

J'aurais su faire naître un sourire enfantin
Tout en séchant les pleurs de ses petits chagrins
Veiller sur son sommeil d'un regard attendri
O si j'avais connu Jésus petit !

J'aurais porté un choix sur ses fréquentations
Je lui aurais appris à bien faire attention
Avant de recevoir le baiser d'un ami
O si j'avais connu Jésus petit !

Contre tous les dangers je l'aurais défendu
Quitte à me battre seul le cœur et les mains nus
Et c'est moi qui me serais fait tuer pour lui
Oui… Si j'avais connu Jésus petit !