BERGERIE DE BERDINE le 17 décembre 2005

Chers amis,

C'est d'un Berdine au paysage illuminé par quelques vestiges de neige et balayé par le Mistral que je vous rejoins, porteuse des vœux des 80 berdinois qui y demeurent aujourd'hui.

Tout au long de l'année, la moyenne d'occupation s'est maintenue entre 75 et 80 personnes, avec toutefois un nombre d'arrivées bien moindre que les années précédentes. En effet, les personnes accueillies repartent beaucoup moins vite ce qui bloque l'accès à de nouvelles admissions. Mais que faire ? Dans un tel contexte économique et social, ceux qui ont la chance de séjourner à Berdine ont du mal à en partir. Nous réfléchissons à cette situation afin de préserver un renouvellement assez important.

Des évènements divers et variés ont ponctué le fil des jours afin que nous n'ayons pas la tentation de nous laisser aller à un confort paresseux. C'est ainsi qu'en avril nous avons eu à gérer de façon positive le licenciement économique de l'ingénieur en techniques agricoles embauché en octobre 2000, et en juin, le départ sur un coup de tête du responsable de l'activité forestière, chauffeur poids lourd et conducteur de l'engin forestier que nous venions d'acquérir et qu'il était seul à pouvoir manier. Beaucoup d'insomnies et de soucis, mais la vitalité communautaire a repris le dessus. Nous avons réussi une saison de maraîchage en amélioration par rapport à l'année dernière de 15% et ce malgré un faible débit du forage (1m3/h), mais grâce à une gestion serrée du goutte à goutte. L'engagement passionné de Marco et le soutien régulier des membres du Conseil d'Administration (Huguette, Claude et Michel) n'y sont pas étrangers. Daniel un « ancien » est parvenu à utiliser l'engin forestier, Pascal, à Berdine depuis peu, a pris la responsabilité de l'exploitation de nouvelles coupes et le bois coupé et débardé a repris le chemin de Berdine avec l'aide d'un ami agriculteur voisin qui a assuré les transports de camion. Bilan final positif. Quant au secteur vente de cette activité, animé par deux équipes bien dynamiques, il est en expansion de 30% !

Par ailleurs, sous l'impulsion de Michel, l'aménagement de la miellerie, et l'installation d'une vingtaine de nouvelles ruches, donne un coup de pouce à cette activité, ce qui est une bonne chose : du miel au petit déjeuner chaque jour, ce n'est pas du luxe vu l'état de santé général. La boulangerie a retrouvé un fonctionnement plus cohérent après quelques mois difficiles, les ventes en ont été améliorées. En ce qui concerne les troupeaux, bonne nouvelle pour les moutons (rappelez-vous ma lettre de Noël dernier…), depuis 3 mois, Youssef leur prodigue l'attention d'un authentique berger, il suffit de regarder le troupeau évoluer pour en être convaincu et absolument ravi. Bien sûr, il faut que cela dure. Vous connaîtrez la suite dans un an, ne soyez pas pressés, je ne vous apprends rien en vous disant que « un an c'est un jour ». Les chèvres sont toujours fidèles et généreuses, la production de fromages se maintient au top niveau. Je vous ai parlé aussi de l'élevage de cochons, rien à ajouter, chaque année c'est le même déroulement tristement métronomique de leur bonne mais si courte vie, Gérard y veille.

Côté maçonnerie, calme plat et j'espère bien que 2006 viendra à bout du projet chauffage dont je vous ai parlé. Toutes les subventions demandées sont accordées, il ne reste plus (!) qu'à se mettre en chantier. Par contre les ateliers de menuiserie, ébénisterie et tapisserie maintiennent leur allure de croisière avec de plus en plus de clients. Un autre motif de satisfaction, inattendu celui là, fut la réfection et l'aménagement de l'atelier de mécanique. Dominique a fait d'un taudis un local digne d'un garage Audi (effectivement c'est là qu'il a travaillé 20 ans) où il effectue les réparations du parc automobile et du matériel forestier, économie non négligeable. Les autres secteurs d'activité continuent de fonctionner pour assurer l'ordinaire et s'ils sont moins spectaculaires, ils n'en sont pas moins indispensables aux nécessités quotidiennes.

Nous avons opéré une restructuration des bureaux et embauché une jeune femme de 30 ans, Sabine, qui assume le suivi des personnes accueillies sur le plan administratif. Ce poste est financé en partie par la subvention relative au Référencement RMI dont Berdine est responsable vis-à-vis de tous les bénéficiaires. Ces nouvelles dispositions ont été mises en place cette année à la faveur de la prise en charge de l'Insertion par les départements. Ainsi, je suis épaulée par 2 secrétaires et Claudette notre amie bénévole pour la saisie comptable, mais je vous assure que ce n'est pas superflu, car la gestion des activités à laquelle s'ajoute la demande toujours plus exigeante des personnes, représente une charge très lourde. De plus, Andrée et Jacky mettent leur grande compétence en informatique à notre service de façon régulière. Denise et Marie-Thérèse restent fidèles à l'atelier de couture. Marie-Andrée, Jean-Michel et Jean-Pierre cloué au sol (il se résout à ce que le parapente ne soit plus qu'un fabuleux souvenir), sont toujours là, veilleurs vigilants et attentifs aux besoins de chacun.

La famille Filali avec les enfants Chanez et Gibril nous ont quittés après un séjour de huit ans, pour s'installer en Avignon au terme d'une année de démarches. Restent deux familles, l'une de deux, l'autre de quatre enfants dont Marie-Andrée soutient la scolarité. La population accueillie a toujours le même profil et nous avons la satisfaction de constater que la majorité se remet debout. Nos orientations économiques n'y sont pas étrangères, tout comme le réseau d'amitié et de soutien qui s'est développé et approfondi au fil des ans, dans le cadre des échanges commerciaux (vente sur les marchés, vente de bois, d'artisanat etc.) Chacun se sent porté par l'image positive que lui renvoient les personnes avec lesquelles il est en contact dans le cadre de son travail et le parcours de réinsertion devient pour certains une réelle renaissance.

Mais nous savons aussi que ceux de nos amis qui sont partis de l'autre côté ne sont pas les moins utiles sur notre chemin de reconstruction, ils continuent à veiller sur nous comme l'avait si bien dit J.P. « c'est promis, si Dieu le permet, je reste avec vous à jamais », Agnès dont le sourire nous accueille chaque fois que nous franchissons le seuil de la maison qui porte son nom, Jean-Marie notre vieil ami prêtre toujours contestataire qui a tellement bien alimenté nos réflexions, Marc qui avec sa belle constance d'apiculteur émérite a remonté notre rucher, Yvon, mari de Huguette, le copain de chacun.

C'est avec vous tous, chers amis d'hier et d'aujourd'hui, que s'est construite la grande famille de Berdine, et je vous en suis tellement reconnaissante. Soyez certains que vous n'êtes pas oubliés. Chaque jour et particulièrement en ces jours de fête, vous êtes au cœur de notre prière, afin que subsiste dans nos vies, autour de nous et dans le monde ce message d'Espérance, de Paix et d'Amour, que l'Enfant de la crèche est venu apporter.

Josiane Saint Pierre

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